La Chanson du Père Duchesne

(1893)


Né en nonante-deux, nom de dieu
Mon nom est Père Duchesne
Marat fut généreux, nom de dieu
A qui lui porta haine, sang dieu
Je veux parler sans gène, nom de dieu

Coquins filous peureux, nom de dieu
Vous m’appelez canaille
Dès que j’ouvre les yeux, nom de dieu
jusqu’au soir je travaille,
sang dieu
Et je couche sur la paille, nom de dieu

On nous promet les cieux, nom de dieu
pour toute récompense
Tandis que ces messieurs, nom de dieu
s’arrondissent la panse,
sang dieu
Nous crevons d’abstinence, nom de dieu

Pour mériter les cieux, nom de dieu
voyez vous ces bougresses
Au vicaire le moins vieux, nom de dieu
s’en aller à confesse,
sang dieu
Se faire peloter les fesses, nom de dieu

Si tu veux être heureux, nom de dieu
pends ton propriétaire
Coupes les curés en deux, nom de dieu
fous les églises par terre,
sang dieu
Et le bon Dieu dans la merde, nom de dieu

Peuples trop oublieux, nom de dieu
si jamais tu te lèves
Ne soit pas généreux, nom de dieu
patrons bourgeois et prêtres,
sang dieu
Méritent la lanterne, nom de dieu !