JUSTICE POUR KAMEL BELKADI !

EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIEY

           

Appel Belkadi le 12/10/04

Appel incident MP le 12/10/04

 

N. de Parquet

03000820

N. de jugement

1145/2004

 

DELIBERE DU Mardi 12 octobre 2004

 

A l’audience publique du Jeudi 2 septembre 2004 à 9h.00, tenue en matière de correctionnelle par Madame Brigitte HARMAND-COLETTE, Présidente, Mesdames Sophie DEPELLEY et Anna-France, RIBEYRON, Juges, assistés de Madame Annick HOUVERT , Greffier, en présence de MONSIEUR Christophe MIRA, Procureur de la République, a été appelée l’affaire entre :

1)                  LE MINISTERE PUBLIC

2)                  PARTIES CIVILES

 

 

Maître MAROCCOU es qualité de liquidateur de la SA DAEWOO demeurant Route de Mancieulles 54150 MANCE ; partie civile non comparante, représentée par Maître LOUVEL, Avocat inscrit au Barreau de METZ ;

 

C.G.E.A. de Nancy dont le siège social est 1011, Avenue de la Libération 54000 NANCY prise en la personne de son représentant légal, partie civile non comparante ; représentée par Maître Gérard KREMSER, Avocat inscrit au Barreau de BRIEY ;

 

D’UNE PART,

 

ET :

 

Monsieur Kamel BELKADI, né le 19 Août 19780 à LONGWY – Meurthe-et-Moselle France, fils de Slimane et de Safia OUSLIMANE, demeurant 7,avenue de la Providence 54400 LONGWY ; marié, de nationalité française, jamais condamné ; placé sous contrôle judiciaire par décision en date du 03/06/2003 ;

 

Comparant et assisté de Maître Alain BEHR, Avocat au Barreau de NANCY ;

 

Prévenu de :

 

(11581) DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES ;          

 

Monsieur BLANCA Jean, né le 17 Avril 1966 à CADIZ – Espagne, fils de père ignoré  et de mère ignorée, demeurant 5, RUE DES FORGES, 54370 CONS LA GRANVILLE ; agent de maîtrise ; de nationalité espagnole, jamais condamné ; placé sous contrôle judiciaire par décision en date du 14/03/2003 ;

 

Comparant et assisté de Maître Philippe MAUREL, Avocat au Barreau de BRIEY ;

 

Prévenu de :

 

LES PERSONNES ;

 

D’AUTRE PART,

 

A l’appel de la cause, le Président a constaté l’identité de Monsieur BELKADI  Kamel, a donné connaissance de l’acte saisissant le Tribunal et a interrogé le prévenu ;

 

Le Président a constaté l’identité de Monsieur BLANCA Jean, a donné connaissance de l’acte saisissant le Tribunal et a interrogé le prévenu ;

 

Maître BEHR, Avocat de Monsieur BELKADI Kamel, [illisible] soulève [illisible] de la constitution  de la partie civile du C.G.E.A. de NANCY ;

 

L’incident a été joint au fond par le Président après avoir entendu l’ensemble des parties en leurs observations ;

Les témoins, hors la présence les uns des autres, et après avoir prêté le serment prévu à l’article 446 du Code de la Procédure Pénale, ont été entendus en leurs déclarations ;

 

Maître LOUVEL,  Avocat de Maître MAROCCOU, a déclaré se constituer partie civile et a été entendu en sa plaidoirie ;

Maître Gérard KREMSER, Avocat du C.G.E.A. NANCY , a déclaré se constituer partie civile et a été entendu en sa plaidoirie ;

 

Maître  KREMSER, Avocat du C.G.E.A. NANCY a déclaré se constituer partie civile et a été entendu en sa plaidoirie.

 

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.

 

Maître Alain BEHR,  Avocat de Monsieur BELKADI Kamel a été entendu en sa plaidoire ;

 

Maître Philippe MAUREL, Avocat de Monsieur BLANCA Jean a été entendu en sa plaidoirie ;

 

La Défense ayant eu al parole en dernier ;

 

Le Greffier a tenu note du déroulement des débats ;

 

Puis, à l’issue des débats tenus à l’audience publique du 02/09/2004, le Tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé le 12/10/2004 ;

 

A cette date, Le Tribunal ayant délibéré et statué conformément à la loi, le jugement  a été rendu par Madame Sophie DEPELLEY, Président, assité de Madame Maryse GOUJON, Greffier, et en présence du Ministère public, en vertu des dispositions de la loi du 30 décembre 1985 ;

 

LE TRIBUNAL,

 

1)                  – SUR L’ACTION PUBLIQUE.

Attendu que Monsieur BELKADI Kamel, a été renvoyé devant ce Tribunal par ordonnance de Madame Emmanuel DUPONT, Juge d’instruction de ce siège en date du 10/03/2004 ;

 

Attendu qu’à l’audience du 21 Juin 2004, l’affaire a été renvoyée à l’audience du ce jour ;

 

Attendu que la Monsieur BELKADI Kamel a été cité à l’audience du 21/06/2004 par Monsieur le Procureur de L République suivant acter de Maître JUNGERS GILLET Huissier à LONGWY délivré le 09/04/2004 à sa personne

 

Que la citation est régulière ;

 

Qu’il est établi qu’il en a eu connaissance ;

 

Attendu que le prévenu a comparu ;

 

Qu’il y a lieur de statuer contradictoirement ;

 

Attendu qu’il est prévenu d’avoir à MONT SAINT MARTIN, en tout cas en Meurthe et Moselle, le 23/01/2003 et depuis temps non prescrit, détruit volontairement un bâtiment à usage d’entrepôt au préjudice de la S.A. DAEWOO ORION représenté par Maître MAROCCOU, liquidateur par l’effet d’une substance explosive d’un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes, en l’espèce un incendie ;

 

Infraction prévue par ART.332-6 AL.1 C. PENAL. Et réprimée par ART.332-6 AL.1, ART 332-15 1°, 2°, 3° C. PENAL. ;

 

Attendu que Monsieur BLANCA Jean a été renvoyé devant ce Tribunal par ordonnance de Madame Emmanuelle DUPONT, Juge d’Instruction de ce siège en date du 10/03/2004 ;

 

Attendu qu’à l’audience du 21 juin 2004, l’affaire a été renvoyée à l’audience de ce jour ;

 

Attendu que Monsieur BLANCA Jean a été cité à l’audience du 21/06/2004 par Monsieur le Procureur de la République suivant acte de Maître GOZZI, huissier de justice à LONGUYON, délivré le 14/05/2004 à sa personne ;

 

Que la citation est régulière ;

 

Attendu que le prévenu a comparu ;

 

Qu’il y a lieu de statuer contradictoirement ;

 

Attendu qu’il est prévenu d’avoir à MONT SAINT MARTIN, en tout cas en Meurthe et Moselle, le 06/01/2003, et depuis temps non prescrit, tente de détruire, dégrader ou détériorer volontairement un immeuble au préjudice de la S.A. DAEWOO ORION, représentée par Maître MAROCCOU, liquidateur, par l’effet d’une substance explosive, d’un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes, ladite tentative manifestée par un commencement d’exécution, le fait de mettre le feu dans une poubelle contenant des rouleaux de papier et du polystyrène, n’ayant manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur l’intervention des vigiles qui effectuaient une ronde.

 

Infraction prévue par ART.332-6 AL.1 C. PENAL. Et réprimée par ART.332-6 AL.1, ART.332-15 1°, 2°, 3° C. PENAL. ;

 

 

Le 23.01.2003 à 20H44, les agents de sécurité employés sur le site de la société DAEWOO ORION à MONT SAINT MARTIN ont alerté les pompiers du départ d’un incendie dans l’un des bâtiments de l’usine.

 

Compte tenu de l’ampleur du sinistre, les pompiers français, arrivés sur place peu avant 21 heures, bien qu’ayant bénéficié du renfort de leurs homologues belges et luxembourgeois, ont mis plus de deux heures pour maîtriser l’incendie. Leur action a permis de circonscrire l’incendie du bâtiment à usage d’entrepôt dans lequel il s’était déclaré, lequel a été presque totalement détruit, de même que ce qui se trouvait à l’intérieur et en particulier un stock de 40.000 tubes cathodiques d’une valeur d’1 millions d’euro, prêt à être livré à l’étranger.

 

L’enquête a permis très rapidement d’établir l’origine volontaire de cet incendie, survenu dans un contexte social particulièrement agité, précédé au début du mois de janvier par au moins 3 départs de feu qui n’avaient pu être maîtrisés sans l’intervention des pompiers. En particulier, une poubelle avait pris feu le 6.1.2003 vers 14 heures à proximité du local « salvage » (D85, D92, D115).

 

Le PDG de la société DAEWOO ORION a porté plainte le 28.1.2003 pour les faits du 23.1.2003 (D187).

 

SUR LE CONTEXTE ECONOMIQUE ET SOCIAL

 

La société DAEWOO ORION a débuté son activité de fabrication de tubes cathodiques de télévision sur le site de MONT SAINT MARTIN en mai 199 ? dans le cadre de la réindustrialisation du bassin d’emplois de LONGWY. Elle/et ? a bénéficié à ce titre de diverses subventions. Elle a cependant rencontré rapidement des difficultés financières, qui se sont aggravées en 1999 ?? de la crise du sud asiatique qui a frappé de plein fouet la société ? coréenne.

 

Les dettes sociales et fiscales se sont accumulées, et une procédure de règlement amiable initiée en mars 2002 a échoué.

 

L’URSAFF a assigné fin 2002 la société, pour une dette de près de 2 millions d’euro, devant le Tribunal de Commerce de BRIEY qui a prononcé le 9 janvier 2003 le redressement judiciaire de DAEWOO ORION et désigné un administrateur judiciaire en la personne de Me KREBS.

 

Le 27 janvier 2003, tirant les conséquences de l’incendie du 23 janvier ? de l’impossibilité de reprendre la production, le tribunal de Commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société.

 

*****************

 

A la mi-décembre 2002, les difficultés de trésorerie et la procédure commerciale en cours avaient conduit la direction à annoncer que les salaires du mois risquaient de ne pas être payés (D27). Cette annonce a

 

déclenché immédiatement un conflit social : dès le lendemain, le ? décembre, les salariés arrêtaient le travail, une partie d’entre ??? occupait les locaux avec une intersyndicale (CGT-CFTC-FO) et les délégués du personnel CFDT (cette occupation s’est poursuivie jusqu’à l’incendie ? 23 janvier 2003), et séquestrait du 20 au 21 décembre le P.D.G. de la société.

 

Compte tenu du contexte social, l’usine n’était plus assurée contre le risque d’incendie depuis le 1er janvier 2003 (D143, D144).

 

Le climat n’a cessé ensuite de se détériorer : menaces contre les biens ? pollution de la ??, incendie) et contre les personnes, dégradations des systèmes de sécurité et de surveillance, vols et dégradations de matériel ? tentatives d’intimidation sur les agents de la société de surveillance « SURGARDE ».

Début janvier 2003, Kamel BELKADI s’était fait remettre par Mr SCHU? Employé de SURGARDE, le registre dans lequel les vigiles consignaient les incidents, et qui a par la suite été mis au feu (D57, D87, D484).

 

A l’occasion de leurs premières constatations sur les lieux après l’incendie du 23 janvier, les enquêteurs ont relevé à cet égard le désordre et la saleté régnant dans les locaux administratifs occupés, qui avaient été littéralement dévastés (D61).

 

***********************

 

Dans la matinée du 23 janvier 2003, alors que le Tribunal de Commerce avait la veille prolongé jusqu’au 6 février 2003 la période d’observation, le PDG a annoncé en réunion du comité d’entreprise que le stock de tubes cathodiques (entreposé dans le bâtiment qui sera détruit le soir même) devait être pris en charge par des camions et livré en Pologne ?? paiement. Les salariés et les syndicats étaient en outre informés que faute de matières premières le travail ne reprendrait que le 20 ? (D187, D188, D375).

 

Des annonces n’ont pas manqué de provoquer des réactions négatives par certains salariés, car le stock de tubes cathodiques, qualifié de « trésor de guerre » et considéré comme une garantie dans le cadre des négociations avec la direction, avait été jalousement surveillé durant le conflit social : diverses mesures, telles que le positionnement de palettes ? tubes cathodiques à l’extérieur devant les quais de déchargement le ? janvier, et à l’intérieur de l’entrepôt le 22 janvier, avaient été pris pour en interdire le chargement et le départ.

 

SUR LES FAITS DU 6 JANVIER 2003

 

Il est reproché à Monsieur Jean BLANCA d’avoir à Mont-Saint-Martin, le 6 janvier 2003 en tous cas en Meurthe et Moselle et depuis temps non prescrit, tenté de détruire, dégrader ou détériorer volontairement un immeuble au préjudice de la S.A. DAEWOO ORION, représentée par Maître MAROCCOU, liquidateur, par l’effet d’une substance explosive, d’un incendie ou

 

de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes, ladite tentative manifestée par un commencement d’exécution, le fait de mettre le feu dans une poubelle contenant des rouleaux de papier et du polystyrène, n’ayant manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, l’intervention des vigiles qui effectuaient une ronde, faits prévus et réprimés par les articles 121-4, 121-5, 322-5, 322-11 et 322-15 du Code Pénal.

 

Dans le cadre de l’enquête relative à l’incendie du 23 janvier 2003, les services de police ont recueilli auprès de plusieurs agents de sécurité SURGARDE des déclarations concernant l’incendie d’une poubelle une quinzaine de jours auparavant, selon lesquelles ils soupçonnaient M. BLANCA Jean d’être à l’origine de ce départ de feu.

 

M. GARINET Jean-Louis et BERRANG David ont en effet déclaré que, de service le 6 janvier 2003, ils avaient vers 14 heures, lors d’une ronde extérieure, croisé à la hauteur de la station hydrogène fluorhydrique M. BLANCA qui, à leur vue, avait tenté de dissimuler son visage en remontant son col et ne leur avait pas répondu lorsqu’ils lui avaient adressé la parole. Une quinzaine de mètres plus loin, ils avaient constaté que de la fumée noire provenait de la station « salvage ». Ils avaient réussi à maîtriser le feu, mis dans un conteneur poubelle rempli de 4 ou 5 rouleaux d’essuie-mains et de morceau de polystyrène au moyen d’un extincteur pris dans une station voisine, car ceux de la station « salvage » étaient vides. Peu après, M. LAURENT, responsable de la sécurité de l’usine, était arrivé en compagnie de M. BLANCA, responsable du process « salvage », qui avait prétendu avoir chassé 2 personnes extérieures à l’usine peu de temps avant le départ du feu (D85, D92).

Ils ont précisé n’avoir croisé ni aperçu personne d’autre que M. BLANCA avant la découverte du feu.

 

Présent au poste de garde lors de cet incident, M. SERVAIS Frédéric, agent SURGARDE, a déclaré qu’il n’avait vu personne sortir par la porte principale. Un peu plus tard, il avait constaté avec M. GARINET que la neige du sol entre la station salvage et le grillage d’enceinte était vierge (D113).

 

Placé en garde à vue le 12 mars 2003, M. BLANCA a contesté être à l’origine de ce départ de feu. Il a expliqué que le jour des faits, il avait mangé dans le bureau du salvage avec ses collègues, qui avaient quitté les lieux avant lui pour se rendre dans la grande salle du réfectoire où une réunion syndicale était prévue, et que lorsqu’il était passé pau après devant la poubelle pour rejoindre ses collègues après avoir fermé le local salvage, il n’y avait rien d’anormal. Il avait croisé au niveau du bi-salvage deux inconnus qui s’étaient enfuis quand il les avait interpellés sur leur présence et peu après les deux vigiles de SURGARDE, avec lesquels il avait échangé des banalités avant de poursuivre son chemin. Il était au réfectoire depuis quelques minutes quand il avait été averti d’un début d’incendie au niveau du salvage par M. LAURENT, qui cherchait un extincteur (D938). Ils avaient rejoint ensemble les vigiles sur les lieux de l’incendie, qu’ils avaient réussi à éteindre rapidement (D938).

Par la suite, M. BLANCA, mis en examen, pour tentative d’incendie, n’a jamais varié dans ses déclarations (D1035 à 1037, D1312 à 1315). Contestant avoir eu une attitude de dissimulation quand il a croisé les gardiens, il a évoqué

 

L’hypothèse que ces derniers cherchent à lui nuire pour se venger, car ils s’étaient fait passer un « savon » par leur patron à cause de lui.

 

A l’audience, M. BLANCA a maintenu sa version des faits. Il a précisé avoir remarqué que les rouleaux de papier essuie-mains qui avaient brûlé dans la poubelle ne provenaient pas de son service, mais de celui de la production. Il a expliqué le fait qu’il n’avait pas parlé aux vigiles, lorsqu’ils les avait croisés, des individus qu’il avait mis en fuite, car cet élément lui avait paru complètement anodin jusqu’à ce qu’il apprenne qu’un début d’incendie avait été provoqué à proximité. D’après lui, les agents SURGARDE n’avaient pas trouvé de traces de pas dans la neige marquant le passage de ces individus car ils avaient examiné la zone « déchets », qui n’était pas celle où les intéressés s’étaient dirigés.

 

M. LAURENT, cité à l’audience comme témoin par M. BLANCA, a confirmé qu’il avait fait appel à M. BLANCA car le feu s’était déclaré dans son service ; il a indiqué au Tribunal ne pas avoir entendu M. BLANCA parler aux agents SURGARDE de la présence anormale de deux personnes à proximité du salvage peu avant l’incendie, mais avoir en revanche constaté que M. BLANCA avait consigné cet incident dans le registre de sécurité, qui a par la suite été dérobé dans son propre bureau. Il a souligné que, durant toute la période du conflit social, il avait particulièrement apprécié l’aide que M. BLANCA ( d’ailleurs membre du Comité d’Hygiène et de Sécurité) lui apportait en matière de sécurité, d’autant qu’il se montrait plus efficace que les agents de la société SURGARDE.

 

A la lumière des débats, le fait que les agents SURGARDE aient aperçu les flammes provenant du préau du salvage alors qu’ils arrivaient à l’angle de l’usine quelques instants après avoir croisé, à une cinquantaine de mètres de là M. BLANCA qui en venait, ne suffit pas à établir en l’absence d’autres éléments, que M. BLANCA est l’auteur de la tentative d’incendie en cause.

Il convient en conséquence de renvoyer M. BLANCA des fins de la poursuite.

 

 

SUR LES FAITS DU 23 JANVIER 2003  

 

Il est reproché à M. BELKADI Kamel d’avoir à MONT SAINT MARTIN, en tout cas en Meurthe et Moselle, le 23/01/2003 et depuis temps non prescrit, volontairement détruit un bâtiment à usage d’entrepôt au préjudice de la S.A DAEWOO ORION représentée par Maître MAROCCOU, liquidateur, par l’effet d’une substance explosive, d’un incendie ou de tout autre moyen de nature a créer un danger pour les personnes, en l’espèce un incendie, infraction prévue et réprimée par ART. 322-6, 322-11 et 322-15 C. PENAL ;

 

Les installations

 

Le bâtiment détruit par le feu abritait notamment un stock de produits finis d’environ 40.000 tubes cathodiques conditionnés sur des palettes, et des stocks de matières premières (D62, D63, D66, D783, D784, D786, D787, D1551, D1372)

Dans un espace grillagé et fermé à clef, situé sensiblement au milieu de l’entrepôt, étaient entreposés des produits chimiques inflammables, des vêtements de travail et cinq chariots élévateurs Fenwick.

 

La présence d’un sixième Fenwick en partie calciné a été constatée à quelques mètres du local « packing », à l’extérieur du dépôt grillagé (D1465, D1551)

 

Le dispositif anti-incendie était constitué par :

 

·        Des sprinkleurs installés en 1995 par la société PROTECT FEU, alimentés en eau grâce à des groupes moto-pompe diesel et à deux réservoirs contrenant chacun 841 mètres cube d’eau ;

Bien que M. BERRANG David ait affirmé qu’un collecteur abîmé par le gel en début d’année 2003 n’avait pas été réparé de sorte que les sprinkleurs de l’entrepôt sinistré n’étaient plus alimentés en eau car la vanne principale située en zone  n°5 avait été fermée (D94), il est apparu que le réseau d’alimentation des sprinkleurs avait été vérifié par M. BENKE, adjoint de M. LAURENT, le 18 janvier 2003, lequel était parvenu, malgré quelques difficultés dues au gel, à mettre tout le système en eau (D189). Si la visite des lieux par la société PROTECT FEU a permis de confirmer que le dispositif abîmé par le gel était sans lien avec l’alimentation des sprinkleurs de la zone incendiée (D182, D468), elle a aussi permis de constater que la vanne n°5 était en position fermée après l’incendie, et que le boîtier de contrôle et d’alarme du réseau était dégradé ( deux vis enlevés sur le boîtier de protection, et une pile cassée).

M. ROBERT, capitaine des pompiers a affirmé à cet écart que lors de leur intervention, le réseau sprinkleur en cause était hors service, mais que son équipe n’avait pas touché à la vanne car elle n’était pas accessible du fait de l’incendie (D128).

 

·        Des extincteurs vérifiés périodiquement par la société SICLI ;

Lors de sa dernière visite en décembre 2002, la société SICLI a remplacé 23 extincteurs percutés ou volés (D205). M. LAURENT a à nouveau fait appel à cette société le 15 janvier 2003, car 28 extincteurs avaient été déchargés (D215).

 

·        Des boîtiers d’alarme ;

Il a été constaté que la plupart de ces boîtiers (boutons poussoirs protégés par une vitre) étaient désarmés (D62, D76) ;

L’alarme sonore du poste de garde était déclenchée à l’arrivée des secours, alors que M. LAURENT l’avait fait débrancher récemment compte tenu de ce que les salariés ne cessaient de la déclancher imtempestivement.

 

L’ensemble de ces éléments explique pourquoi le système de sécurité incendie par arrosage automatique ne s’est pas déclenché et pourquoi l’alarme sonore n’a fonctionné que dix minutes après le début du feu (D104, D185) ;

A propos des conditions de sécurité de l’usine, il y a lieu de préciser que le système de surveillance vidéo ne fonctionnait plus depuis la mi-décembre 2002, à la suite des dégradations commises au début de la grève.

 

Alors que la surveillance, assurée par des agents de la société SURGARDE à partir du poste de garde (bâtiment situé à l’entrée de l’usine), chargés de contrôler les entrées et les sorties dans l’enceinte de l’usine et d’effectuer des rondes sur le site, avait été renforcée au début du conflit social à la demande de la direction, les équipes passant d’un agent à deux, puis à quatre, la direction avait donné comme consigne, à compter du 22 janvier 2003, en concertation avec Me KREBS, de réduire le nombre d’agents de sécurité à deux par poste pour diminuer les coûts.

Compte tenu des difficultés liées à l’occupation de l’usine, de la présence permanente en nombre de salariés au poste de garde et des tensions sociales, les agents SURGARDE avaient pour instructions d’axer leurs efforts sur la sécurité incendie, le filtrage des entrées sur le site étant devenu impossible à réaliser, et d’éviter tout conflit avec les grévistes (D95, D98, D99).

 

Il a par ailleurs été demandé, à compter du 23 janvier, aux vigiles de ne plus effectuer de rondes ni extérieures ni intérieures (D99, D217, D471), à la suite de la violente prise à partie la veille par plusieurs salariés de M. GARINET, qui, traumatisé, avait dû se faire remplacer à son poste de travail.

 

Depuis plusieurs jours avant les faits, le portail d’accés de l’usine était ouvert à tous (D471).

 

L’incendie

 

Le 23 janvier 2003 à 20h59, le commissaire principal du commissariat de longwy a été avisé par le chef de poste d’un incendie touchant l’usine DAEWOO (D72) ;

 

C’est M. DJAMA Nasser qui a joint le poste de garde avec le téléphone de la maintenance pour signaler la présence de fumée dans l’usine (D192, D196 et D197 ; confirmation Mme BOUADDOU D185 et HIPPERT D390) ; il a donné l’alerte à 20h39 (D818, D819) ;

 

A la suite de cet appel, M.LAGUILLIEZ, agent SURGARDE, s’est déplacé pour vérifier la réalité de cette information. Selon le chronométrage réalisé ultérieurement par les enquêteurs, il a dû arriver sur les lieux du sinistre dans l’entrepôt principal situé face au poste de garde, quatre minutes plus tard (D819). Constatant qu’il ne pouvait rien faire pour maîtriser l’incendie dont le foyer se trouvait sur sa droite derrière une enceinte grillagée, avec des flammes atteignant le plafond et une fumée très épaisse, M. LAGUILLIEZ a immédiatement prévenu les pompiers grâce à son téléphone portable à 20h44 (D738, D267).

 

 

Une réquisition téléphonique a permis aux enquêteurs de retracer la chronologie et la teneur des appels passés au centre de traitement des appels du SDIS entre 20H44 et 20H53 : Le premier appel a bien été passé par M. LAGUILLIEZ

 Au moyen de son portable, le second par son collègue M. SACHETTI depuis le poste de garde. En outre, une femme, qui s’avèrera être Mme Isabelle BANNY, a appelé à 20H50 en indiquant que l’incendie était criminel.

Les premières déclarations des témoins présents sur les lieux ont permis d’établir les éléments suivants, qui devaient s’avérer déterminant pour la suite de l’enquête :

* les premiers indices d’incendie ont été connus vers 20H35

* le feu a pris près des palettes contenant des tubes cathodiques situées au fond du magasin

* il a été déclenché volontairement

 

En effet, M. DJAMA, présent dans le bureau de la maintenance électrique avec M. HIPPERT et Mlle BOUADDOU, a déclaré qu’en allant chercher des cafés au distributeur, il avait perçu de la fumée vers le packing, et qu’en s’approchant, il avait vu à un coin du local grillagé des cartons empilés formant torche, et des flammes jusqu’au toit (D192, D496-497)

 

Melle DEBBAH, quand elle a quitté avec M.OMEIRI le bureau de la maintenance d’où il a passé plusieurs coups de fil, a vu le feu qui avait pris sur un tas constitué avec des palettes et des cartons vides, les flammes atteignaient le toit (D528, D766) ; elle a précisé à cet égard :

            «  --Ce dont je me souviens bien, c’est qu’une palette chargée de cartons compactés d’une hauteur de 2 mètres environ n’était pas dans l’axe des autres qui étaient alignées le long du mur de la logistique. Elle se trouvait devant et légèrement en biais et devant à celles qui se trouvaient alignées le long du mur.

            -- Je pense que cette palette de cartons compressés avait été rajoutée et j’ai vu du polystirène en plaque qui était coincé dans le triangle formé par les 3 palettes en question, comme si on avait voulu constituer un brasier » (D766)

 

M.OMEIRI a confirmé les déclarations de Melle DEBBAH (D710)

 

M. HAIDAS a évoqué quant à lui la présence de 3 palettes en feu positionnées en forme de toit (…) entre la presse à cartons et un gros tas de cartons également en feu, ajoutant que « vu la disposition des palettes ça ne pouvait être qu’intentionnel (D548, D740-741, D806)

 

Au vu de ces déclarations concordantes, il est apparu que quelqu’un avait de toute évidence constitué un brasier avec des cartons et des palettes, l’utilisation d’un appareil de levage ayant vraisemblablement été nécessaire compte tenu du poids et de l’encombrement de ces cartons et palettes.

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M. MENARD, expert du Laboratoire de Police Scientifique de Lille, requis par les services de police, puis commis par le juge d’instruction pour déterminer les causes de l’incendie, s’est rendu avec des techniciens sur les lieux les 24 et 25 janvier 2003, puis le 12 février 2003.

 

Un premier rapport d’analyse des nombreux prélèvements effectués sur place a conclu à l’absence de traces de résidus de substances inflammables (D1333 à D1340).

 

Dans un deuxième rapport, il a localisé le point de départ du sinistre dans une zone comprise entre la partie grillagée et la partie des bureaux se trouvant dans le bâtiment (l’uniformité et l’importance des dégâts ne permettant toutefois pas d’être plus précis), mais a exclu l’existence d’autres foyers dans l’entrepôt en expliquant que les dégâts étaient consécutifs à l’extension du sinistre (D1345 à D1357).

 

Des tests de mise à feu effectués à l’aide d’un simple briquet, sans apport de substances inflammables, ont permis de déterminer que cinq minutes suffisaient pour embraser complètement six rangées de cartons « Panel 20 » (un temps légèrement supérieur étant nécessaire pour l’embrasement de cartons « Funnei », plus petits et plus compacts), et obtenir des flammes de plusieurs mètres de hauteurs (D850).

 

Dans ses conclusions (D877, D1355), M. MENARD a indiqué à cet égard que :

-                     il est tout à fait possible d’enflammer des cartons contenant un support de tube cathodique en polystyrène uniquement avec la flamme d’un briquet

-                     les flammes et fumées sont visibles 4 à 5 minutes après la mise à feu

-                     la mise à feu des cartons avec un briquet a pu se produire vers 20h35.

 

*****************

 

M. LEROMAIN, requis par la police pour déterminer si l’incendie pouvait avoir une origine électrique, a procédé à diverses constatations, notamment quant à la destruction des équipements intérieurs d’une armoire de distribution située près du packing à plusieurs mètres du foyer d’incendie (D791-792).

 

Il a indiqué dans son rapport :

« Selon les informations qui nous sont données, l’incendie a trouvé son origine le 23/01/03 vers 20h30, à l’intérieur du grand hall de stockage dans une zone délimitée par une séparation grillagée où se trouvaient entreposés des substances très facilement inflammables et un stockage d’emballages cartonnés.

Nos constatations corroborent les informations reçues quant à la position du foyer principal, seule zone du hall où les structures métalliques sont gravement déformées avec écroulement de la toiture en bacs d’acier. (…)

La mise à feu vers le milieu du hall s’est développée en présence des matières inflammables présentes au point de départ et les gaz chauds de distillation se sont propagés dans l’ensemble du volume de stockage en créant, à distance, des auto-inflammations de matières combustibles.

La propagation s’est effectuée selon les courants d’air (activés par la destruction progressive des chassis en toiture) et les caractéristiques de réaction au feu des matériaux stockés (présence ou non de carton et/ou de matières synthétiques telles que supports en polystyrène et film d’emballage). (…)

A notre sens les dommages intérieurs à l’armoire résultent d’une mise à feu organisée telle que la projection d’un liquide très facilement inflammable sur les équipements électriques » (D796).

 

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Sur ce point le magistrat instructeur a refusé d’ordonner une nouvelle expertise aux motifs que (D1494) :

 

« L’hypothèse posée par l’expert LEROMAIN laisse sous-entendre que parallèlement au foyer principal, l’armoire électrique en cause aurait été détruite par une main criminelle projetant à l’intérieur de celle-ci, et uniquement à cet endroit, un liquide inflammable.

Or cette hypothèse est mise à néant par les observations des témoins et notamment par les déclarations très précises de Monsieur Samuel ETIENNE, premier sapeur pompier à être entré dans les lieux, lequel indique de façon tout à fait formelle, que l’armoire électrique était intacte lors de son arrivée, qu’elle n’a pris feu que sous l’action de la chaleur, soit au bout de deux heures environ ; il précise en outre qu’il a même demandé à ses hommes de l’arroser pour éviter que le feu de l’armoire ne se propage à tout le câblage. Il rajoute que s’il est exact que les fils électrique possèdent une certaine résistance au feu, ils ne résistent pas à la chaleur qui s’est dégagée lors de cet incendie telle qu’elle a plié la charpente métallique. Il précise enfin que lors de son intervention, il n’a observé qu’un seul foyer, l’incendie ne s’étant pas encore propagé dans la partie de gauche du bâtiment.

Au regard de ces  déclarations, il est impossible que l’intérieur de l’armoire électrique ait été détruit par la projection d’un liquide inflammable à l’intérieur de celle-ci, sauf à considérer que de tels faits auraient été commis deux heures après le début de l’intervention des sapeurs pompiers.

S’il est vrai que le processus technique ayant abouti à la destruction de l’intérieur de l’armoire électrique n’est pas formellement établi à ce jour, cet élément apparaît sans incidence sur le fond de l’affaire dès lors qu’en toute hypothèse, la destruction de l’armoire électrique n’est pas à l’origine de l’incendie de l’usine et s’est produite plus de deux heures après le début de celui-ci. »

 

 

L’enquête

 

Les nombreux témoins entendus dans le cadre de l’enquête de flagrance ont tous exprimé leur incompréhension face à cet incendie, car personne n’avait intérêt à ce que l’entrepôt et son contenu disparaisse dans les flammes : cet entrepôt abritait en effet un stock de 40000 tubes cathodiques d’une valeur de 1.200.000 euros, prêts à être livrés contre paiement à différents clients de DAEWOO ORION, et en particulier DAEWOO POLOGNE ; or, dans le contexte économique et social de l’entreprise, ce stock constituait pour la direction une rentrée potentielle d’argent frais, en même temps qu’il représentait pour les salariés une garantie dans le cadre des négociations sociales.

 

Des considérations ont conduit les enquêteurs à orienter leurs recherches sans pour autant négliger d’autres pistes, vers des personnes qui auraient pu agir impulsivement, sans réfléchir aux conséquences de leurs actes, dans le contexte de tension et de frustration qui a été décrit précédemment.

 

Après ouverture d’une information judiciaire le 3 février 2003, le S.R.P.J de NANCY s’est donc attaché, sur le base de nombreuses auditions de témoins recueillies dans les jours qui ont suivi les faits, à déterminer qui était, au moment de l’incendie, présent sur le site, à quel endroit exactement, et à retracer la  chronologie des déplacements de ces personnes dans l’enceinte de l’usine, l’hypothèse de l’intrusion d’une personne extérieure n’apparaissant pas plausible en raison de la configuration des lieux (notamment la présence d’un grillage tout autour du site).

 

L’enquête initiale avait d’ores et déjà permis d ‘établir que la mise à feu avait eu lieu entre le moment où étaient passées les personnes sorties du comité d’entreprise, aux environs de 20h15, et 20h39, heure à laquelle M. DJAMA avait perçu les premiers signes de l’incendie (D 819).

 

Les investigations menées sur commission rogatoire ont permis de déterminer la liste des personnes présentes dans l’enceinte de l’usine entre le moment où les salariés de DAEWOO sont revenus de la réunion de la communauté des communes qui s’est tenue à REHON à 18h, et le moment où l’alerte a été donnée :

·                    au poste de garde : [AOUDIA Raban], BANNY Isabelle, BACHIR Ali, BALI Adbelkader, BELKADI Kamel, BOUARABA Aomar, BOUCHAMA Ammar, BENSAILI Salim, BRAGARD Cédric, DRYNSKI Joël, DRYNSKI  Dominique, HAIDAS Brahim, Gonzales François, KERROUCHI Djamel, LAGORCE Gérard, MONIOT Eddy, PIERRET Patrice, OZKAN Ali, TAVERA Pietro dit « Baltazar », ainsi que les agents SURGARDE SACCHETTI Alan, SCHUTZ Francis, LAGUILLIEZ Alain et SERVAIS Frédéric

·                    dans les locaux du comité d’entreprise : ORLANDINI Laurence, KLOECKNER Laurent, BOUCHAFA Abdel Illah, KERROUCHI Djamel, BOUMEDINE Messaouid, [RABAH  Aoudia],  BOUCHAMA Ammar, DEVAUX Fathia, HACHEMI Mohamed, MEZZIANI Akim, MIHOUBI Morad, REZZOUG Kadhidja

·                    dans les locaux de l’administration : AOUCHICHE Majid, AVICE Jacques, BOTTIGLIONE Jean-Luc, IDA ALI Mohamed, MEZZIANI Akim, MIHOUBI Mourad

·                    dans le local de maintenance au fond du couloir : DEBBAH Salima, [OME…] Ahmed

·                    dans le local électro-maintenance : HIPPERT Olivier, BOUADDOU Nora, DJAMA Nasser

·                    dans le local packing :  BACHIR Ali, BELKADI Kamel, TAVERA Pietro

 

 

Toutes ces personnes ont été entendues de manière circonstanciée par les enquêteurs et certaines ont été réentendues par le magistrat instructeur. Bien que diverses contradictions apparaissent au travers de leurs déclarations, il y a lieu de tenir pour établis les éléments suivants à partir des recoupements effectués :

-                                             A l’issue de la réunion à REHON, entre 19h et 19h30, une vingtaine de personnes (salariés de DAEWOO,  mais aussi représentants de l’intersyndicale) se retrouvent au poste de garde, où sont présents les vigiles de service, à savoir SCHUTZ Francis et SERVAIS Frédéric ; il y a des allées et venues parmi les salariés.

-                                             Peu avant de quitter son service qui prend fin à 20h, M. SCHUTZ va faire une ronde dans la partie administrative et le magasin où il ne remarque rien d’anormal ; il invite les salariés qu’il trouve en train de jouer de la guitare dans le local du photocopieur à quitter les lieux, ; le groupe se dirige donc vers le poste de garde ; deux de ces personnes, MM. AVICE et BOTTIGLIONE, confirment que M. SCHUTZ a fermé les locaux administratifs vers 20h, et que plus personne ne s’y trouvait à partir de cette heure (D 485, D 615) ; M. SCHUTZ regagne le poste de garde en traversant le hall n° 8 , rien d’inhabituel n’attire son attention.

-                                             Vers 20h, la relève SURGARDE (MM. SACCHETTI et LAGUILLIEZ) arrive au poste de garde, il y a encore plusieurs salariés et délégués syndicaux sur place.

-                                             Vers 20h15, plusieurs camions DEMPOL (société de transports polonaise), qui doivent charger le lendemain les tubes cathodiques destinés à DAEWOO Pologne, passent devant le poste de garde ; ce passage suscite une vive réaction de la part de MM. BOUARABA et BELKADI, qui sont hostiles au départ du « trésor de guerre », car ils soupçonnent une manœuvre malhonnête de la direction pour récupérer les produits finis sans contrepartie financière pour les salariés.

-                                             A 20h30, M. SACCHETTI, qui a au préalable invité les personnes présentes à sortir leurs véhicules, ferme les portes du parking ; une dizaine de personnes sont toujours présentes au poste de garde.

-                                             A 20h39, le téléphone sonne au poste de garde, un homme (M. DJAMA) annonce que cela sent la fumée dans l’usine.

-                                             Le chariot élévateur FENWICK positionné par M. TAVERA devant le portail de l’usine avant le départ des salariés à la réunion de REHON, toujours en place au retour de la réunion, est déplacé dans l’intervalle, puisqu’il sera retrouvé calciné à proximité du packing après l’incendie.

 

La chronologie des déplacements des personnes présentes dans l’usine au moment de l’incendie a été plus délicate à retracer, compte tenu des diverses allées et venues au poste de garde et des déclarations contradictoires des témoins :

 

·                    Cédric BRAGARD, présent au poste de garde après la réunion à REHON, a indiqué que plusieurs personnes s’en étaient absentées une dizaine de minutes pour aller récupérer leurs affaires dans l’usine (D 474, D 815) ; il a précisé que, lorsque l’alerte avait été donnée, il jouait aux cartes avec son cousin Eddy, MM. BELKADI, BOUARABA, TAVERA, BACHIR et SACCHETTI (D 894)

·                    Brahim HAIDAS a déclaré qu’il avait, à son retour de la réunion de REHON aux environs de 19h45, fait une ronde dans l’entrepôt avec Abdelkader BALI. Ils ont trouvé Kamel BELKADI et Ali BACHIR en train de jouer aux cartes avec un collègue ans le local packing ; il leur a demandé de rejoindre les autres au poste de garde, ce qu’ils ont fait quelques minutes plus tard  ( D 548 )

·                    Adbelkader BALI a confirmé l’arrivée au poste de garde  des nommés BELKADI, BACHIR et TAVERA aux environs de 20h (D 534)

·                    Patrice PIERRET a déclaré avoir vu passer les camions DEMPOL devant le poste de garde, et entendu MM. BELKADI et BOUARABA manifester leur opposition en disant qu’ils n’allaient pas se laisser faire, qu’ils allaient « tout faire péter » (D 645, D 799) ; après avoir affirmé dans un premier temps que M. BELKADI n’avait pas quitté le poste de garde après 20h, il a admis qu’il ne pouvait le certifier puisqu’il en était lui-même parti vers 20h15, peu après le passage des camions DEMPOL ; il a expliqué que sa première déposition visait à disculper M. BELKADI qu’il savait fortement soupçonné d’être à l’origine de l’incendie (D 799) 

 

 

* Aomar BOUARABA a indiqué qu’avant le départ pour la réunion à Réhon vers 17H30, il avait demandé à M.TAVERA de placer un chariot élévateur devant la grille de l’entrée principale, afin d’interdire l’accès à l’usine, et éviter l’enlèvement des palettes de tubes cathodiques (D 655, D 859) ; au retour de la réunion, vers 19H30 ou 19H40, il s’était rendu au poste de garde, où se trouvaient entre autres MM. BELKADI, BACHIR et TAVERA ; ces derniers s’étaient absentés pour se rendre au packing, d’où ils étaient revenus vers 20H pour ne plus bouger du poste de garde jusqu’au déclenchement de l’incendie (D 656)

Il a confirmé que M.BELKADI et lui étaient opposés à l’enlèvement des tubes cathodiques pour la Pologne car ils craignaient qu’ils ne soient pas payés ; en voyant passer les camions, ils s’étaient tous deux énervés, et avaient manifesté leur colère en criant (D 860)

 

* Joël DRYNSKI a expliqué que M.BELKADI s’était absenté du poste de garde après 20H pour ranger le chariot FENWICK, stationné en travers de l’entrée, dans l’entrepôt où l’incendie s’est déclaré, après avoir fait part à Mme Isabelle BANNY de son intention ; lorsque M.DRYNSKI avait quitté le poste de garde vers 20H20 avec son épouse, M.BELKADI n’était pas encore revenu (D 581)

 

* Dominique DRYNSKI a déclaré avoir vu M.BELKADI partir avec le chariot élévateur pour le mettre à l’abri dans l’usine aux environs de 20H ; quand elle avait quitté le site avec son mari à 20H20 (elle est formelle sur l’heure, car elle a regardé l’horloge de bord quand elle est montée dans sa voiture), M.BELKADI n’avait pas réapparu au poste de garde (D 732) ; elle n’a pas le souvenir d’avoir aperçu M. TAVERA et BACHIR au poste de garde

 

* Francis SCHUTZ a affirmé que lorsqu’il était passé près du packing à la fin de sa ronde, vers 20H05, pour retourner au poste de garde, aucun FENWICK n’était stationné à cet endroit ; de plus, il était certain que M.BELKADI, qu’il connaissait bien pour avoir eu à plusieurs reprises des incidents avec lui au cours de la grève, ne se trouvait pas au poste de garde, ni au moment où il l’avait quitté pour faire sa ronde, ni à celui de son retour à 22H10 ; il a précisé avoir aperçu, alors qu’il revenait vers le poste de garde, passer les camions DEMPOL (D 687, D 760)

 

* Alain LAGUILLEZ a déclaré qu’il n’avait pas souvenir de la présence entre 20H et 20H30 de M.BELKADI au poste de garde, où lui-même était arrivé vers 19H50 pour une prise de service à 20H (D 739)

 

Il est donc apparu que M.BELKADI, décrit par de nombreuses personnes comme l’un des salariés les plus virulents et déterminés pendant le conflit social, pas plus que M.BACHIR et M.TAVERA n’étaient, selon plusieurs témoins, présents comme ils le prétendaient au poste de garde entre 20H et 20H30, et que M.TAVERA, puis M.BELKADI avaient déplacé le chariot élévateur découvert près du packing après l’incendie.

 

De plus, M.BELKADI, qui s’était distingué dès les premiers jours du conflit par ses actes (blocage des accès de l’usine, renversement de palettes, alimentation des brasiers devant l’usine, appropriation du registre d’incident SURGARDE, occupation du poste de garde...) a proféré le jour des faits des menaces.

Mle Djouher AZZI a déclaré à cet égard que le comité d’entreprise de la matinée du 23 janvier avait échauffé certains esprits qui voyaient dans l’annonce du report de la reprise d’activité au 29 janvier le signe

 

annonciateur d’une liquidation. En début d’après-midi, M.BELKADI, très énervé, avait dit « ce soir, on va faire rhela, préparez les pompiers » (D 523). M. Nasser LAHRABI et Mlle Fatima AZZI ont confirmé avoir entendu M.BELKADI tenir ces propos (D 518, D 521), de même que M. Robert GIOVANARDI, président de l’union locale C.F.D.T. (D 632), à qui M.BELKADI avait déclaré « tu nous as traités de terroristes, tu vas voir ce que c’est des terroristes, ce soir on va faire la rhela, préparez les pompiers ».

 

 

Placés en garde à vue, M.BELKADI, TAVERA et BACHIR ont dans un premier temps affirmé, comme ils l’avaient déjà fait en début d’enquête, qu’ils ne s’étaient pas quittés de la soirée, et qu’ils avaient rejoint le poste de garde bien avant le début de l’incendie.

 

Pietro TAVERA a cependant modifié sa version en cours de garde de vue : il a expliqué qu’en réalité, au retour de la réunion à Réhon, il était resté un moment avec M.BELKADI et BACHIR au poste de garde, avant de partir ensemble au packing entre 20H et 20H15 ; pendant qu’il jouait aux cartes avec M.BACHIR, M.BELKADI était reparti au poste de garde pour réchauffer sa gamelle ; M.TAVERA a précisé avoir entendu M.BELKADI revenir avec le FENWICK ; après avoir pris son repas, M.BELKADI lui avait demandé son briquet, ils étaient partis tous trois vers le poste de garde, mais M.BELKADI s’était dirigé vers la presse à cartons pour faire quelque chose, et avait rapidement rejoint ses deux compagnons avant qu’ils n’arrivent au poste de garde vers 20H30, quelques minutes avant l’alerte ; par la suite, M.BELKADI lui avait rendu son briquet et avait avoué, en présence de M.BACHIR, avoir mis le feu ; ils s’étaient alors mis d’accord sur la version commune qu’ils donneraient à la police (D 976 à D 980).

M.TAVERA a précisé avoir fait l’objet de pressions de MM.BELKADI et BACHIR pour qu’il s’en tienne à cette version, qu’ils ont réitérées lorsqu’ils ont été convoqués tous les trois au commissariat de police.

Par la suite, M.TAVERA n’a plus varié dans ses déclarations, que ce soit en interrogatoire de première comparution ou en confrontation avec MM.BELKADI et BACHIR.

 

Kamel BELKADI a contesté l’ensemble des déclarations de M.TAVERA, sans être en mesure d’expliquer pour quelle raison celui-ci portait à son encontre de telles accusations, au demeurant parfaitement circonstanciées (D 987 à D 992).

Il a déclaré ne s’être jamais séparé de MM.BACHIR et TAVERA, avec lesquels il a rejoint le poste de garde aux environs de 20H, avant le changement d’équipe SURGARDE, pour ne plus en sortir jusqu’au moment où l’incendie a été signalé. Il a prétendu n’avoir aucun souvenir du passage des camions DEMPOL ni de la discussion qui s’en est suivie, et affirmé que les témoins qui prétendaient l’avoir vu conduire le FENWICK ce jour-là faisaient une confusion avec la veille. Tout en reconnaissant s’être montré particulièrement virulent pendant le conflit, et avoir tenu des propos pouvant être interprétés comme des menaces d’actions très dures pour empêcher l’enlèvement des produits finis, il a déclaré qu’il n’avait pas été le seul à agir de la sorte.

Tout au long de la procédure d’information, M.BELKADI a maintenu qu’il était totalement étranger à cet incendie, y compris lors de sa confrontation avec M.TRAVERA qui a renouvelé ses accusations.

 

Ali BACHIR, après avoir refusé de répondre aux questions des policiers, a confirmé lors de sa comparution devant le juge d’instruction la version des faits donnés par M.BELKADI concernant leurs déplacements et leurs horaires de présence au poste de garde, mais refusait de répondre aux questions qu’il jugeait embarrassantes, par crainte de dire des « conneries » (D 917 à D 917 [sic !], D 926, D 1019 à D 1023).

Confronté à M.TRAVERA, M.BACHIR a confirmé les déclarations de celui-ci sur le déroulement de la journée du 23 janvier 2003, qu’ils avaient passé ensemble, mais a répondu de manière particulièrement évasive aux questions susceptibles de mettre en cause M.BELKADI, et a éludé les questions les plus embarrassantes (D 1109 à D 1113). Un nouvel interrogatoire n’a pu être mené à son terme, M.BACHIR étant victime d’un malaise (D 1326).

 

La ré audition de plusieurs témoins-clé par le magistrat instructeur n’a pas permis de recueillir d’éléments nouveaux déterminants, chacun s’en tenant à ses précédentes déclarations.

 

* M.PIERRET a précisé que M.BELKADI n’était pas au poste de garde à 19H45 lorsqu’il était arrivé, mais qu’il s’y trouvait depuis 5 à 10 minutes au moment du passage des camions DEMPOL vers 20H15-20H20 ; il a été formel à ce sujet car ce passage avait provoqué un éclat de la part de MM.BOUARABA et BELKADI, qui s’étaient écriés que cela ne se passerait pas comme ça, et qu’ils feraient tout péter, il précisait qu’il n’avait pas souvenir d’avoir vu MM.BACHIR et TAVERA ce soir-là (D 1220 à D 1222)

 

* M.LAGUILLEZ a indiqué que M.BELKADI était au poste de garde au moment du passage des camions DEMPOL, qui avait provoqué une discussion entre Mlle BANNY, M.BOUARABA et M.BELKADI (D 1223 à D 1225)

 

* M.BOUARABA a déclaré avoir joué aux cartes avec MM.TAVERA, BACHIR, BELKADI, et BRAGARD de 20H jusqu’au moment du passage des camions, qui avait suscité de sa part et de celle de M.BELKADI une réaction de colère ; par la suite, il avait recommencé à jouer aux cartes entre autres avec BELKADI jusqu’au moment de l’alerte (D 1242 à D 1246)

 

* M.BRAGARD a confirmé que lors de l’alerte, il jouait aux cartes avec MM.BELKADI, BOUARABA, BACHIR, TAVERA et SACCHETTI ; après l’incident relatif au passage des camions DEMPOL, il n’avait pas vu M.BELKADI s’absenter du poste de garde, mais il ne mettait pas en doute les déclarations de M.DRYNSKI à ce sujet, s’agissant de quelqu’un de sérieux qui ne racontait pas de bêtises ; il n’a pas été en mesure d’indiquer si MM.TAVERA et BACHIR étaient présents lors qu passage des camions DEMPOL (D 1288 à D 1291)

 

* les époux DRYNSKI ont affirmé qu’ils n’avaient pas vu MM.BACHIR et TAVERA au poste de garde, et que personne n’y avait joué aux cartes pendant qu’eux-mêmes s’y trouvaient (D 1316 à D 1322) ; ils sont restés formels sur le fait que M.BELKADI avait déplacé le FENWICK garé près du poste de garde peu avant le départ

 

* M.SCHUTZ a précisé que lors de sa ronde, il n’avait pas fait attention si des personnes se trouvaient dans le bureau du packing ; en

 

 

revanche, il n’y avait aucun tas de palettes et de cartons à l’endroit du foyer de l’incendie. (D 1247 à D 1251)

Mlle BANNY a expliqué que n’ayant pas prêté attention aux allées et venues des uns et des autres au poste de garde, elle n’était pas en mesure d’affirmer que M. BELKADI y était resté en permanence, mais elle était sûre de l’y avoir vu, et qu’il était présent lors de l’alerte ; elle n’a pas cité MM. TAVERA et BACHIR parmi les personnes qu’elle avait vu ce soir là au poste de garde (D 1298 à D 1301) ; elle a insisté sur le fait qu’à son avis, M. BELKADI était innocent, et que les enquêteurs s’étaient acharnés sur lui en négligeant d’autres pistes.

 

LES DEBATS

 

A la barre, tous les témoins cités tant par le Parquet (MM. TAVERA, SCHUTZ, DRYNSKI, Mlle BANNY et Mme DRYNSKI) que par la défense (MM. GARROUCHE, BOUARABA, HAIDAS et BALI) ont maintenu leurs précédentes déclarations, à l’exception de M. BACHIR, qui a maladroitement contesté le contenu des procès – verbaux de ses auditions devant le magistrat instructeur en prétendant que celui – ci, après avoir exercé des pressions pour qu’il donne la même version que M. TAVERA, avait faussement consigné des propos qu’il n’avait pas tenu.

M. BELKADI a quant à lui persisté dans ses dénégations et maintenu qu’au moment du déclenchement de l’incendie, il se trouvait au poste de garde.

 

 

SUR LA CULPABILITE

 

1/ Ni les pièces de la procédure ni les débats ne permettent de considérer que, comme il le prétend, M. BELKADI a été présent de manière ininterrompue au poste de garde entre 20H et 20H39, bien qu’il apparaisse qu’il s’y est en effet trouvé pendant un certain laps de temps dans ce créneau horaire :

 

* Seuls trois témoins affirment que M. BELKADI est resté au poste de garde et ne s’en est absenté à aucun moment : MM.  BACHIR, HAIDAS, et BOUARABA.

·                    Pour ce qui est des déclarations de M. BACHIR, dont il convient de rappeler qu’après avoir refusé de faire des déclarations aux enquêteurs durant sa garde à vue, il s’est dans un premier temps abstenu de répondre aux questions du juge d’instruction qui pouvait incriminer le prévenu (alors qu’il témoignait sans réticence sur d’autres points moins sensibles) et dans un deuxième temps (alors qu’il venait de reconnaître qu’il avait menti) il s’est montré incapable de se soumettre à un nouvel interrogatoire, elles ne sont manifestement pas crédibles.

·                    S’agissant de M. HAIDAS, tout laisse à penser qu’il commet une erreur à propos des horaires qu’il indique.

En effet, selon ses déclarations et celles de M. SCHUTZ, c’est lui qui demande à ce dernier de faire une ronde dans l’usine, pour éviter des incidents, sachant qu’il reste des gens dans l’usine. Il est établi que le gardien effectue cette ronde entre 19h50 et 20h10, ainsi que cela résulte des déclarations de MM. AVICE et BOTTICLIONE, que M. SHUTZ trouve au local de photocopieuse en train de jouer de la guitare vers 20h, et des déclarations des deux gardiens ayant assuré la relève, MM. LAGUILLIEZ et SACCHETTI (D 701 et D 674).

Toujours selon les déclarations de M. HAIDAS, c’est après le retour de M. SCHUTZ et le compte-rendu de ce dernier (donc après 20h10) qu’il part dans l’usine avec M. BALI, et demande à MM. BELKADI, TAVERA et BACHIR de revenir au poste de garde.

Il est donc matériellement impossible que, sur l’invitation de M. HAIDAS, les trois hommes soient arrivés au poste de garde à 19h55.

·                    Les déclarations de M. BOUARABA doivent également être écartées, car M. PIERRET, qui a au début de l’enquête cherché à couvrir M. BELKADI car il est persuadé de son innocence, affirme que MM. BELKADI, TAVERA et BACHIR ne jouaient pas aux cartes au poste de garde entre 19h45 et 20h15 (D 800). Il s’ensuit que M. BOUARABA a joué aux cartes avec eux (et d’après les éléments du dossier, ils étaient effectivement en train de jouer au moment de l’alerte), mais plus tard dans la soirée.

 

* Tous les autres témoins déclarent qu’ils sont incapables d’affirmer que M. BELKADI est resté continuellement durant ce créneau horaire au poste de garde, qui accueillait 15 à 20 personnes, car ils n’ont pas prêté attention à ce que faisaient les uns et les autres, et qu’il y avait des allées et venues (MM. SACCHETTI, PIERRET, BRAGARD et Mlle BANNY)

 

2/ Bien que M. BELKADI le conteste formellement, il est par ailleurs établi qu’il est monté sur le FENWICK, qui se trouvait devant le portail à 19h30, pour le déplacer ; les époux DRYNSKI n’ont à cet égard jamais varié dans leurs déclarations du début de l’enquête jusqu’aux débats (les approximations relatives aux heures lors de leurs dépositions orales étant à mettre en relations avec le temps qui s’est écoulé depuis les faits), à l’occasion desquels ils ont précisé qu’il ne pouvait y avoir de confusion sur le jour où M. BELKADI a déplacé ce chariot ;

Le FENWICK en question est retrouvé après l’incendie, brûlé, dans l’entrepôt, à quelques mètres du local parking, alors qu’à 20h ou 20h05 quand M. SCHUTZ fait sa ronde dans l’entrepôt, aucun chariot élévateur ne se trouve dans l’espace relativement étroit entre le bureau du parking et le grillage ; les autres personnes qui ont effectué le même parcours en quittant le comité d’entreprise vers 20h15 ( M. KERROUICHI D 463 et D. 725, Mlle ORLANDINI D 714 et D 777, M. BOUARABA D  753) confirment cet élément.

M. TAVERA affirme quant à lui, et il l’a maintenu à la barre, avoir entendu ce FENWICK (dont il avait remis les clés à M. BELKADI après l’avoir positionné vers 17h30 devant le portail d’entrée) arriver dans l’entrepôt, le moteur tourner quelques minutes avant que le contact ne soit pas coupé et que M. BELKADI n’entre dans le parking.

 

3/ M. TAVERA incrimine de manière catégorique M. BELKADI depuis sa deuxième audition, le 13 mars 20003, en garde à vue, et a réitéré ses accusations à l’audience, en dépit des pressions qu’il a subies, de l’hostilité perceptible du public dans la salle et de la crainte de représailles qu’il a évoquées ; le niveau intellectuel du témoin, sa

spontanéité parfois déconcertante et le fait qu’il n’a strictement aucun intérêt à faire des déclarations mensongères doivent conduire à tenir pour vraie sa version des faits selon laquelle M. BELKADI :

-                           s’est absenté du local packing durant une vingtaine de minutes vers 20H,

-                           est revenu avec le FENWICK dont il a laissé tourner le moteur quelques minutes avant de rejoindre le local du packing,

-                           lui a demandé son briquet au moment où ils s’apprêtaient à regagner le poste de garde, est parti dans la direction opposée à celle prise par ses compagnons pour les rattraper peu après,

-                           lui a confié, alors que l’incendie s’est déclaré peu après leur arrivée au poste de garde, que c’était lui qui avait mis le feu.

La chronologie des faits décrite par M. TAVERA est confirmée par les autres éléments du dossier, à savoir :

-                           le fait qu’aucun des témoins qui évoquent la présence de M. BELKADI au poste de garde lors du passage des camions DEMPOL ne se souvient de celle de MM. BACHIR et TAVERA,

-                           le déplacement du FENWICK par M. BELKADI vers 20H15,

-                           l’alerte au feu à 20H39,

-                           un temps d’embrasement évalué par M. MENARD à cinq minutes, ce qui permet de situer la mise à feu dans un créneau horaire compris entre 20H30 et 20H35.

Cette chronologie est en outre compatible avec la confection, entre le moment où M. TAVERA entend le Fenwick arriver et celui où M. BELKADI entre dans le local du packing, d’un échafaudage de palettes et de cartons auquel le feu est mis un peu plus tard (témoignages BOUARABA, DEBBAH, OMEIRI, DJAMA), puisque les différentes personnes qui sont passées dans l’entrepôt entre 20H et 20H20 environ n’ont pas remarqué la présence d’un tel échafaudage.

 

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de déclarer Kamel BELKADI coupable des faits qui lui sont reprochés.

 

 

SUR LA PEINE

 

Les faits sont d’une particulière gravité, l’incendie ayan presque entièrement détruit un bâtiment à usage d’entrepôt et son contenu, et ayant accéléré la procédure de liquidation judiciaire de l’entreprise DAEWOO. Le trouble à l’ordre public est d’autant plus grave que cet incendie a été provoqué dans un contexte social particulièrement agité dont la presse locale s’est largement faite l’écho. Enfin, cet incendie, qui a causé un préjudice matériel considérable, aurait parfaitement pu avoir des conséquences encore plus dramatiques en provoquant des atteintes aux personnes. Il convient en conséquence de sanctionner fermement les faits, en prononçant une peine qui ne sera que pour partie assortie du sursis.

 

2° - SUR L’ACTION CIVILE

 

Attendu que Maître MAROCCOU, es qualité de liquidateur de la SA DAEWOO s’est constitué partie civile ;

 

Attendu que sa demande est recevable et régulière en la forme ;

 

Qu’il sollicite la condamnation de Monsieur BELKADI Kamel au paiement d’une somme globale de 30000 euros ; Qu’il fait remarquer que cette demande est symbolique eu égard à la réalité du préjudice, à savoir bâtiments et marchandises détruits et accélération de la procédure de liquidation judiciaire de l’entreprise ; Qu’il précise que cette somme représente pour 29129,30 euros, des stocks de marchandises détruits appartenant à la société STYRPAC, en exécution d’une clause de réserve de propriété ;

 

Attendu qu’une somme de 1500 euros est demandée au titre de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;

 

Attendu qu’il convient de déclarer Monsieur BELKADI Kamel responsable du préjudice subi par Maître MAROCCOU es qualité ;

 

Attendu qu’au vu des pièces versées aux débats, notamment un courrier de la société STYRPAC en date du 21 mars 2003 adressé au Juge commissaire du Tribunal de commerce de BRIEY, et de l’ampleur des dégâts ayant accéléré le processus de liquidation judiciaire de l’entreprise DAEWOO, il convient de faire droit à la demande de Maître MAROCCOU et de condamner Monsieur BELKADI à lui payer la somme de 30000 euros à titre de dommages-intérêts outre 1500 euros sur le fondement de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;

 

Attendu que le C.G.E.A. de NANCY s’est constitué partie civile ;

 

Attendu que le C.G.E.A. s’estime bien fondé à se constituer partie civile au regard du préjudice très important qui a été subi à la suite de la destruction du bâtiment de la société DAEWOO et de la perte corrélative du stock de 40000 tubes cathodiques, représentant une valeur de 1,2 millions d’euros ; Qu’ainsi, selon le C.G.E.A., en sa qualité de subrogé dans les droits des salariés, il ne pourra plus récupérer sa créance dès lors que les actifs essentiels de l’entreprise ont disparu ;

 

Que dans ces conditions, si le C.G.E.A. peut se prévaloir d’un préjudice lié à la perte d’une chance de pouvoir récupérer sa créance sur les actifs détruits par l’incendie volontaire, ce préjudice n’en reste pas moins indirect, dont la réparation ne saurait être demandée devant la juridiction répressive en application des dispositions de l’article 2 du Code de Procédure Pénale ;

 

Qu’il y a lieu, en conséquence, de déclarer le C.G.E.A. irrecevable en sa constitution de partie civile ;

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement et en premier ressort,

Contradictoirement à l’égard de Monsieur BELKADI Kamel ;

Contradictoirement à l’égard de Monsieur BLANCA Jean ;

 

1° - SUR L’ACTION PUBLIQUE

 

Renvoie Monsieur BLANCA Jean des fins de la poursuite sans peine ni dépens en application des dispositions de l’article 470 du Code de Procédure Pénale ;

 

Déclare Monsieur BELKADI Kamel coupable des faits qui lui sont reprochés ;

 

Condamne BELKADI Kamel à la peine de 3 ans d’emprisonnement dont 18 mois avec sursis simple ;

 

Le Président, en application de l’article 132-29 du Code Pénal, ayant averti le condamné, que s’il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l’objet d’une nouvelle condamnation qui sera susceptible d’entraîner l’exécution de la première condamnation sans confusion avec la seconde et qu’il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-8 à 132-16 du Code pénal ;

 

2° SUR l’ACTION CIVILE

 

Par jugement contradictoire à l’égard de Maître MAROCCOU es qualité de liquidateur de la SA DAEWOO ;

Par jugement contradictoire à l’égard du C.G.E.A de Nancy ;

Reçoit Maître MAROCCOU, es qualité de liquidateur de la SA DAEWOO en sa constitution de partie civile ;

Déclare Monsieur BELKADI Kamel responsable du préjudice subi par Maître MAROCCOU, es qualité de liquidateur de la SA Daewoo

Condamne Monsieur BELKADI Kamel à payer àMaître MAROCCOU la somme de 30 000 euros à titre de dommage-intérêts.

Condamne Monsieur BELKADI à verser à Maître MAROCCOU, au titre de l’aticle 475-1 du Code de Procédure pénale, la somme de 1500 euros ;

Déclare le C.G .E.A. de Nancy irrecevable en sa constitution de partie civile ;

La présente décision est assujettie d’un droit fixe de procédure d’un montant de 90 Euros dont est redevable le condamné.

Le tout en application des articles 406 et suivants et 485 du Code de Procédure Pénale et des textes susvisés.

Le présent jugement ayant été signé par le Président et le Greffier.

 

Le Greffier                                                                                                     Le Président